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10 juin 2009 3 10 /06 /juin /2009 16:54
... ou pourquoi notre mode de vie n'est quoi qu'il arrive pas soutenable.




Il y a quelques jours, j'avais parlé des journalistes et de leurs sempiternels "petits gestes du quotidien". Aujourd'hui, j'ai écouté avec effarement mes collègues s'énerver contre la possibilité que le gouvernement puisse éventuellement avoir l'envie d'instituer des "taxes vertes", parce que d'après eux il faut être riche pour pouvoir acheter une voiture qui consomme peu (visiblement l'ADEME n'est pas tout à fait du même avis), avec le sous-entendu qu'il serait évidemment impossible de vivre sans voiture (rappelons que je suis en région parisienne). Du coup j'ai eu envie de raconter une petite histoire, en oubliant pour aujourd'hui effet de serre et réchauffement climatique. Encore que...

Cette histoire commence en 1956. M.K. Hubbert est alors géophysicien dans un laboratoire de la Shell, où il s'intéresse notamment aux réserves de gaz et de pétrole. Suite à ses travaux, il propose une nouvelle théorie selon laquelle la production de pétrole en fonction du temps est décrite par une courbe en cloche, et ce quelle que soit l'échelle, depuis l'exploitation d'un seul champ pétrolifère jusqu'à la production mondiale dans son ensemble. Le maximum de production correspond alors à l'épuisement de la moitié de la réserve totale. Cette même année, il présente une publication à un congrès de l'Institut Américain du Pétrole dans laquelle il prédit que la production américaine de pétrole atteindra son maximum entre la fin des années 1960 et le début des années 1970.

Au départ, cette prédiction est accueillie avec le plus grand scepticisme. Mais en 1971, la production américaine atteint un maximum, puis commence à décroître (figure de droite : courbe = prédiction de Hubbert, points = production réelle). M.K. Hubbert et la courbe de Hubbert deviennent célèbres.

Depuis, la courbe de Hubbert n'a pas été mise en défaut. Il est possible "d'aplatir" la courbe par des politiques de restriction volontaire de la production, telles que les pratiques couramment l'OPEP. Cela permet éventuellement de reculer la date à laquelle le maximum est atteint. Mais pas de s'en affranchir.

Du coup comme nous venons de le voir, la production américaine de pétrole a atteint son maximum en 1971 et n'a pas cessé de décroître depuis lors. Mais ce qui est vrai pour les USA est vrai pour le reste du monde.
La figure de gauche a été publiée en 2004 par le Département Américain à l'Energie. Elle représente la production de pétrole cumulée de tous les pays du monde à l'exception de ceux membres de l'OPEP et des pays de l'ex-URSS. Cette production cumulée représente environ 45% de la production mondiale totale, et inclue des pays producteurs majeurs (les USA, le Mexique, la Chine, le Canada et la Norvège étaient respectivement 3e, 5e, 6e, 7e et 8e producteurs mondiaux en 2004).

Comme on peut le constater sur cette courbe, la production cumulée de tous ces pays a d'ors et déjà atteint son maximum et commencé à décroître.
A l'échelle de la planète dans son ensemble, les prédictions quant à la date du pic pétrolier varient entre "aujourd'hui" pour les plus pessimistes, et 2020 quant aux plus optimistes (aucun des experts consultés par le département américain à l'énergie en 2004 ne donnait de date postérieure à 2020). Même si la crise économique que nous vivons à l'heure actuelle induit sans doute un tassement de la demande (et donc de la production), on peut donc estimer que la production mondiale continuera de croître au mieux durant une dizaine d'année.


Que se passera-t-il ensuite ?

Contrairement à ce que les gens pensent souvent, nous n'allons pas nous retrouver du jour au lendemain sans pétrole. Qui n'a jamais entendu "Il nous reste XX années de réserves de pétrole" ? Cela ne signifie pas du tout que nous allons pouvoir continuer à produite autant de pétrole que nous le souhaitons pendant ces XX années, puis que tous les puits seront vides du jour au lendemain. En effet, on ne vide jamais totalement un puits de pétrole (l'expression "puis de pétrole" tend d'ailleurs à induite les gens en erreur : il n'y a pas de lacs de pétrole souterrains, mais des zones où des roches pétrolifères emprisonnent du pétrole dans leur structure même) : il se passe juste qu'à un certain stade d'épuisement du gisement, il faut plus d'énergie pour extraire 1 litre de pétrole que l'énergie contenue dans ce litre. Il est donc toujours possible d'extraire du pétrole comme matière première pour des plastiques ou des médicaments, par exemple. Mais à condition d'en payer le prix.

Le prix, voilà quel sera le problème : à partir du moment où la demande excède l'offre pour une ressource, les producteurs se retrouvent dans une position avantageuse et les prix s'envolent, du moins tant que des acheteurs sont prêts à les accepter.
Or si, comme nous l'avons vu, nous savons que la production mondiale de pétrole va commencer à décroître d'ici au mieux une bonne dizaine d'années, la consommation mondiale quant à elle croît de manière continue depuis plus de 20 ans, tirée en particulier par la croissance chinoise et indienne (voir figure de droite).
C'est d'ailleurs cette croissance continue de la consommation mondiale qui avait entraîné des prix du baril très élevés au cours du premier semestre 2008.
On peut donc s'attendre sans surprise à une nouvelle hausse importante des prix du pétrole (et donc a fortiori des carburants automobiles), d'ici quelques années.

Fin de la petite histoire...


Pour revenir maintenant à mes collègues, refuser aujourd'hui de s'adapter et de payer une taxe verte modérée de manière à nous habituer dès aujourd'hui à restreindre notre consommation de pétrole, et donc de carburants, c'est ne pas se rendre compte que l'adaptation sera beaucoup, beaucoup plus douloureuse lorsqu'elle sera imposée par l'impossibilité pour les pays producteurs de satisfaire la demande en totalité. Et une éventuelle voiture électrique ou voiture à hydrogène arrivera sans doute un peu trop tard (sans compter le fait qu'il y a peu de chance qu'elle permette des déplacements aussi bon marché qu'à l'heure actuelle).

au passage en en guise de post-scriptum, le pic de Hubbert ne s'applique pas qu'au pétrole, mais à toute ressource non-renouvelable, comme... le gaz ou le charbon (même si les pics pour ces matières premières arriveront plus tard).



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