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10 mai 2009 7 10 /05 /mai /2009 11:45
Dans le cadre des mesures du plan de relance de l'économie, Nicolas Sarkozy a annoncé au début de l'année la future mise en chantier d'un second EPR (European Pressurized reactor = réacteur pressurisé européen) en plus de celui de Flamanville dont la mise en service est prévue pour 2012.

L'une des raisons invoquées pour justifier de ce nouveau projet est la contribution du nucléaire dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, dont le CO2 lié à l'utilisation des combustibles fossiles, et contre le réchauffement climatique. Mon souhait dans cet article est de voir dans quelle mesure le nucléaire peut effectivement jouer un rôle dans cette lutte. Mettons donc de côté tous les avantages (indépendance énergétique, prix de revient, ...) et inconvénients de cette technologie (déchets radioactifs, sécurité, prolifération nucléaire, ...) pour ne nous intéresser qu'à la place du nucléaire dans le mix énergétique mondiale et les émissions de CO2 qu'il pourrait éviter à l'horizon de quelques décennies.

Contexte : place actuelle du nucléaire dans le monde

Pour situer la place possible de cette énergie dans son contexte, rappelons que nous émettons actuellement au niveau mondial de l'ordre de 50 milliards de tonne d'équivalents CO2 par an, émissions qu'il conviendrait de diviser au moins par deux d'ici à 2050 pour limiter l'amplitude du réchauffement climatique, soit une diminution d'au moins 25 milliards de tonnes.

A l'heure actuelle, 439 réacteurs nucléaires sont en service dans le monde, situés pour deux tiers d'entre eux aux Etats-Unis, en France et au Japon. Ils représentent d'après l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) une puissance installée de 372 GW pour une production annuelle d'environ 2 600 TWh (2 600 milliards de kilowattheures). Cela correspond à environ 6% de la consommation mondiale d'énergie (figure de gauche, échelle en million de tonnes équivalents pétrole) ou 16% de la consommation mondiale d'électricité (figure de droite, échelle en TWh).














A l'heure actuelle, la part du nucléaire dans le mix énergétique mondial est donc inférieure à celle du bois et le la biomasse (orange, gauche), et à peu près équivalent dans la production d'électricité à l'industrie hydroélectrique (bleu, droite). Quelle place le nucléaire peut-il occuper dans le futur ?


rôle possible dans le futur et émissions de CO2 "évitables"

D'après l'agence internationale de l'énergie (AIEA), 4 réacteurs ont été mis en chantier en 2006, 7 réacteurs en 2007. Pratiquement négligeable au vu du parc déjà existant. Aux grandes heures du nucléaire, donc les années 1970 (suite au premier choc pétrolier), les mises en chantier atteignaient une trentaine par an.
Supposons donc qu'à partir de maintenant ce chiffre de 30 mises en chantier soit atteint tous les ans jusqu'en 2050 (chiffre très optimiste au vu des contraintes industrielles fortes, notamment en terme de nombre d'ingénieurs qualifiés dans le monde et notamment dans les pays en croissance forte comme l'Inde), pour une puissance annuelle de 30 GW. Si l'on ne soustrait pas les réacteurs qui cesseront d'être utilisés d'ici à 2050 (les réacteurs construits dans les années 1970 auraient alors 80 ans), on arrive alors en 2050 à une puissance installée "optimiste" d'environ 1 500 GW, pour une production annuelle d'environ 10 000 TWh.

Cette multiplication par pratiquement 4 de la production d'énergie d'origine nucléaire permettrait d'après l'AIE d'éviter l'émission de 2,8 milliards de tonne de CO2, soit 11% des 25 milliards de tonnes cités au début de cette page. Pas une solution miracle, mais pas totalement négligeable non plus (n'oublions pas cependant que notre hypothèse de 30 nouveaux réacteurs par an est plutôt très optimiste, et que nous n'avons pas tenu compte des réacteurs qui arriveront en fin de vie d'ici à 2050, notamment ceux construits dans les années 1970), ces 11% sont donc extrêmement optimistes.


Quel serait alors le coût de la tonne de CO2 évitée ?

Il n'est pas facile d'obtenir le coût réel de l'industrie nucléaire, les coûts de démantèlement des centrales et les coûts de la recherche étant rarement bien connus. D'après EDF, le coût de l'EPR en cours de construction à Flamanville est de 4 milliards d'euros. Partons donc de ce chiffre, en supposant que les économies d'échelle liées à la construction d'un grand nombre de réacteurs compenseront les possibles surcoûts à venir.
La construction de 30 réacteurs par an durant 40 ans coûterait donc 4 800 milliards d'euros. Supposons que chacun de ces réacteurs soit utilisé pendant 60 ans sans aucun coût de réparation et sans inclure les coûts de fonctionnement (salaire des personnels, combustible utilisé) ni les coûts de démantèlement. Avec ces hypothèses très optimistes, on arrive alors à un coût de 29€ par tonne de CO2 évitée. On peut donc estimer que le coût réel devrait s'établir raisonnablement autour de 60-70 € par tonne en incluant coûts de fonctionnement et de démantèlement. Evidemment, c'est une estimation extrêmement grossière, mais qui permet d'obtenir un ordre de grandeur. Le coût de la tonne évitée est a priori sensiblement équivalent à celui obtenu par d'autres voies, comme les énergies renouvelables ou l'isolation des bâtiments.


En conclusion...

En mettant de côté tous les autres aspects qui lui sont liés (sécurité, déchets, ...), le nucléaire pourrait effectivement permettre de diminuer les émissions de CO2 et donc de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Cependant, cette contribution ne sera dans le meilleur des cas que marginale, des investissements massifs dans cette filière ne permettant d'atteindre qu'au mieux 10% des objectifs de réduction des émissions. Par ailleurs, le coût économique de la tonne de CO2 évitée ne devrait être ni franchement plus faible ni déraisonnablement plus élevé que celui permis par les énergies renouvelables ou l'isolation des bâtiments. Le choix possible d'une relance massive du nucléaire devrait donc je pense plutôt être discuté avec des arguments politiques ou sociétaux plutôt qu'en présentant cette technologie comme une solution miracle dans la lutte contre le réchauffement climatique, solution miracle qu'elle n'est pas.


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