Après un long silence faute de temps à consacrer à ce blog, voici l'article prévu sur le coût de l'électricité éolienne. Les chiffres cités dans cet article sont issus d'un rapport publié en mars 2009 par l'Association européenne de l'énergie éolienne. Comme son nom l'indique, il s'agit d'un lobby industriel et économique pour la promotion de l'énergie éolienne. On peut donc s'attendre à ce que les chiffres annoncés soient biaisés en faveur de cette source d'énergie. Néanmoins, comme un peu plus de trois ans de progrès techniques se sont écoulés depuis ce rapport (progrès dans le rendement des éoliennes liés à l'augmentation de leur puissance, abaissement des coûts de production lié à des économies d'échelle avec une augmentation des installations de fermes éoliennes), ils sont sans doute assez proche de la réalité de la fin 2012.
Le coût de l'électricité éolienne est constitué de deux parts distinctes. D'une part des coûts d'investissement, qui constitue la majeure partie du coût global, d'autre part des coûts d'opération et de maintenance très minoritaire. On peut déjà voir ici une très grosse différence avec la production d'électricité thermique (à partir de gaz naturel, de pétrole ou de charbon), pour laquelle le coût final dépend en très grande partie de celui de la matière première utilisée.
Pour les seconds, ils sont estimés à 1,2 c€ à 1,5 c€ par kWh sur la durée de vie de la turbine (le coût du kWh pour un particulier en France est grosso modo de 10 c€). Pour les premiers, le coût moyen d'installation d'une turbine (d'une puissance de 2 MW, qui constitue aujourd'hui une puissance « moyenne ») est d'environ 1230€/MW, dont un peu plus de 900 000€ pour la turbine elle-même, 100 000€ pour sa connexion au réseau, 80 000€ pour le gros œuvre, 50 000€ pour le foncier, le reste se répartissant entre la construction d'une route ou d'un chemin, le système de contrôle, les coûts financiers, …
La figure suivante montre le coût du kWh éolien, pour une turbine dont le coût d'installation serait de 1 100€/kW ou de 1 400€/kW, en fonction de son lieu d'utilisation (full load hour per yearou « heures en pleine charge par an » est une unité correspondant au nombre d'heures durant lesquelles la turbine devrait tourner à pleine puissance pour produire l'équivalent de ce qu'elle produit réellement en un an. Ainsi dans une zone peu venteuse, elle produit en un an l'équivalent de sa production théorique à 1700 heures à pleine puissance, en zone côtière l'équivalent de 2700 heures, ce qui réduit d'autant le coût au kWh). En choisissant bien les zones d'implantation, on arrive donc à des coûts au kWh de l'ordre de 7 c€.
Avec l'augmentation de puissance des turbines et l'augmentation des puissances installées (effet d'échelle), le coût diminue avec le temps, et une étude concernant l'éolien au Danemark (pays relativement avancé en la matière) à montré que jusqu'ici le coût du kWh diminue d'environ 10% lorsque la puissance installée double.
Comme on peut aisément le constater, lorsque l'on parle de gros éolien situé dans des lieux bien choisis, l'électricité éolienne est d'ores et déjà pratiquement compétitive, avec des coûts qui ne sont que peu supérieurs à ceux du thermique (je préfère ne pas comparer à ceux du nucléaire tant il est difficile d'estimer des coûts réels, incluant le démantèlement des centrales en fin de vie, pour ces derniers), et très nettement inférieurs à ceux du solaire photovoltaïque ou du solaire thermique.
Cependant, plusieurs facteurs ne sont pas inclus dans ce calcul, facteurs qui sont en faveurs de l'éolien :
Premièrement, le coût de la tonne de CO2évitée n'est pas pris en compte. Certes l'éolien est une énergie intermittente par nature, et un des arguments avancés par ses détracteurs est qu'il nécessiterait une augmentation du recours aux centrales thermiques (gaz ou charbon) pour compenser ce caractère intermittent. Cependant, cet argument part du principe que nous resterions dans une production et une gestion centralisée, et fait fi des progrès déjà fait (et à venir) dans le domaine des smart grids (réseaux intelligents) : si l'intermittence est réelle à l'échelle d'un parc éolien, voire d'une région, elle n'est plus un problème à l'échelle d'un ensemble de régions interconnecté pour lequel la production à un instant t doit s'approcher de la production moyenne. D'après l'Agence Internationale de l’Énergie, un coût de la tonne de CO2de 10€ augmente le coût du kWh issu du charbon de 1 c€, et celui du gaz de 0,5 c€. Sachant que lors des discussions sur la mise en place de la taxe carbone, le coût envisagé était de 25€ la tonne, et que les experts estiment qu'il devrait augmenter jusqu'à au moins 100€ la tonne pour espérer que ce prix soit suffisamment incitatif pour investir dans la réduction des émissions, on voit immédiatement qu'un coût incluant les émissions de CO2serait très défavorable au thermique.
Deuxièmement, ce qui est plus important pour nos économies européenne en cette période de crise, la production d'électricité éolienne contribue à affranchir nos économies de leur dépendance aux ressources fossiles importées. En moyenne sur ces dernières années, l'Europe dans son ensemble a importé plus de 400 milliards d'euros par an de pétrole, gaz ou charbon. Si une part importante est utilisée dans les transports et n'est pas directement substituable par l'éolien, une autre part, importante elle aussi, est utilisée pour la production d'électricité dans des centrales thermiques (ce qui constitue pour parler clairement une utilisation particulièrement stupide de ces ressources, gâchées par des rendements très mauvais plutôt que d'être économisées pour des applications pour lesquelles rien ne peut raisonnablement les remplacer). Au contraire, la plus grande part des montants investis dans l'éolien circulent à l'intérieur des frontières européenneset pas vers l'extérieur, avec tout que cela sous-tend en terme d'emploi.
Troisièmement, si l'éolien est actuellement légèrement plus cher que la production des centrales thermiques, il permet de s'affranchir de la volatilité des prix du gaz, du charbon et du pétrole. En effet puisque la plus grande partie du coût de l'éolien est liée à la fabrication et à l'installation de la turbine, le coût de production est stable à long terme, contrairement à celui des centrales thermiques, pour lequel plus de 50% des coûts dépend du prix des combustibles fossiles, très volatils.
La figure suivante montre une comparaison des coûts du kWh éolien, gaz et charbon (prix 2009), et l'effet qu'aurait une « taxe carbone » à 25€ la tonne de CO2.
Sachant que le coût de l'éolien devrait plutôt diminuer, celui du gaz et du charbon augmenter...
Évidemment je n'ai pas parlé ici des coûts supplémentaires d'infrastructure qu'induirait une pénétration importante de l'éolien, sur les réseaux de distribution et leur gestion (voir le rapport complet) de manière à palier l'intermittence par une plus forte interconnexion du réseau. Néanmoins, ils ne contrebalancent pas les avantages de long terme de cette source d'énergie (ils ont été estimés en Allemagne à moins d'un c€ par kWh dans les hypothèses les plus défavorables), qui évidemment ne peut pas à elle seule répondre à la totalité de nos besoins, mais qui devrait raisonnablement pouvoir en représenter 10-20%.
En conclusion, même si l'on suppose ces chiffres légèrement biaisés, il est très clair que le déploiement à grande échelle de l'éolien n'est pas un problème de coût, mais de choix de société (à ceux qui pensent qu'une éolienne défigure le paysage, j'aimerais qu'ils me disent quelle opinion ils ont d'une centrale thermique...).