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Le solaire thermique



Cette page reprend en une seule fois une série d'articles que j'ai écrits il y a quelques semaines.

Je parlerai d'abord du contexte, avant de m'intéresser aux installations individuelles et aux installations à grande échelle de type "centrales solaires".


CONTEXTE

Généralement, lorsque l'on parle à quelqu'un d'énergie solaire, la première chose qui lui vient à l'esprit c'est un panneau solaire sur un toit pour produire de l'électricité. Pourtant à l'échelle mondiale, la place du solaire thermique est nettement plus importante que celle du photovoltaïque.

Tout comme le solaire photovoltaïque, le solaire thermique permet d'utiliser à notre profit une partie de l'énergie solaire reçue à la surface de la terre. Mais contrairement au premier (qui sera l'objet d'une deuxième série d'articles quand celle-ci sera terminée) pour lequel le rayonnement solaire est directement converti en électricité, dans le cas du solaire thermique l'énergie solaire va être convertie en chaleur (qui pourra ensuite éventuellement être convertie en électricité, quasi uniquement dans des centrales solaires).

Les données de la figure ci-dessous proviennent de la publication "Survey of energy ressources" du World Energy Council. Elles permettent de comparer la production globale d'énergie (chaleur et électricité) du solaire thermique à celles des autres sources d'énergies renouvelables.

Si l'on constate d'un côté qu'effectivement la production d'électricité est très faible (environ 100 fois plus faible que l'énergie éolienne, et équivalente à une seule centrale thermique de taille moyenne), elle n'est finalement "que" 3,5 fois plus faible que la production du photovoltaïque, pourtant beaucoup plus connue. Et si l'on intègre la production de chaleur (parce qu'après tout, de la chaleur issue de l'énergie solaire n'a pas besoin d'être produite d'une autre manière et "économise" donc des émissions de CO2 au même titre que les autres énergies renouvelables), on arrive à une production à peu près deux fois inférieure à celle de l'éolien, et surtout beaucoup, beaucoup plus élevée que celle des "panneaux solaires" !

Evidemment, puisque l'on parle ici d'énergie solaire, l'intérêt du solaire thermique va être d'autant plus grand que l'on se situe dans des régions du monde très ensoleillées. Cela dit, pas besoin d'habiter au fin fond du Sahara pour que l'énergie reçue du soleil soit suffisante pour des applications. La carte ci-dessous, issue du Centre de donnée des sciences de l'atmosphère de la NASA montre l'énergie moyenne annuelle reçue par m² et par jour en chaque zone du globe.

La moyenne mondiale des de 3.86 kilowattheures par jour et par m². Soit 1400 kWh sur l'année entière. Un système de 10 m² (pas si grand que ça) avec un rendement de 10% (très pessimiste) permet donc de générer 1400 kWh d'énergie par an (soit l'équivalent de 150€ d'électricité environ).

Si l'on considère que toutes les zones pour lesquelles l'énergie reçue du soleil est supérieure à la moyenne sont intéressantes, on s'aperçoit que nous avons l'embarras du choix : tout le sud de l'Europe, la totalité des USA, de l'Amérique du Sud et de l'Amérique Centrale, toute l'Afrique, l'Asie et l'Océanie... Il n'y a guère que le nord de l'Europe, la Russie et le Canada pour lesquels le potentiel est plus faible.


Ce potentiel important explique la croissance exponentielle de l'utilisation du solaire thermique ces dernières années, comme le montre le graphique ci-contre (attention, il ne s'agit pas de la puissance installée, mais bien des nouvelles installations : on assiste donc non seulement à une augmentation de la puissance installée, mais même à une accélération de cette augmentation).


Même si cette hausse est principalement tirée par le marché des particuliers (via les chauffe-eau solaires), nous verrons dans les prochains articles que les projets de centrales thermiques de grandes tailles se multiplient également.






Les systèmes individuels


Suite de la série d'articles sur le solaire thermique. Après le contexte dans la partie 1, aujourd'hui les systèmes individuels. Ces derniers sont destinés à produire de l'eau chaude domestique (éventuellement à participer au chauffage de l'habitation) pour des particuliers ou en habitat collectif, et constitue la plus grande part de l'énergie produite par les systèmes de type solaire thermique. Les centrales solaires constituant la part restante, et elles seront l'objet de l'article suivant.

Le principe à la base d'un collecteur solaire thermique comme celui présenté sur la photo à droite est très simple. Tout le monde sait qu'une plaque métallique sombre laissée au soleil chauffe, parfois de manière assez importante. Elle chauffe parce qu'elle absorbe une partie importante du rayonnement solaire, avec une part réfléchie assez faible. A l'inverse un miroir laissé au soleil ne chauffe pratiquement pas parce qu'il réfléchit la plus grande partie du rayonnement solaire.



Le principe ici va être le même (schéma de gauche) : une surface absorbante est placée de manière à recevoir un maximum de rayonnement solaire. Comme cette surface absorbe le rayonnement, elle chauffe. Un fluide caloporteur (qui permet de transporter la chaleur), le plus souvent de l'eau avec un antigel (pour passer l'hivers sans entretien particulier) circule dans la surface chauffée, et chauffe également.


Ce fluide caloporteur, qui circule grâce à un système de pompage, est ensuite utilisé pour chauffer l'eau d'un ballon d'eau chaude sanitaire, ou éventuellement l'eau d'un système de chauffage central domestique.


Evidemment même si le principe en lui-même est très simple, la mise en oeuvre technologique l'est un peu moins, du moins si l'on souhaite optimiser les performances du système.

Le schéma de principe du collecteur solaire est représenté ci-dessous, avec le cheminement du rayonnement solaire.




Avant de s'intéresser au collecteur lui-même, suivons le trajet des rayons lumineux provenant du soleil (1). Les collecteurs solaires sont des systèmes destinés à être utilisés pendant des années. La surface absorbante doit donc être protégée des dégradations dues à son environnement (pluie, salissures, casse, ...) par un châssis transparent.
Une partie du rayonnement solaire n'atteint donc jamais la plaque absorbante et est directement réfléchie par la vitre de protection (2). seule une partie (3 = 1 - 2) atteint donc la plaque.
Une petite partie est réfléchie par la plaque. Et une autre petite partie est directement ré-émise par la plaque elle-même ! En effet, n'importe quel matériau chauffé va émettre un peu de rayonnement (on peut penser à un morceau de métal chauffé au rouge). Ici la température n'est pas suffisante pour que la plaque soit chauffée au rouge, mais elle émet tout de même un rayonnement, dans l'infrarouge (IR). Globalement, la plaque n'absorbe donc pas tout le rayonnement qui a franchit la vitre, une partie est réfléchie ou réémise (4).
Cette partie réémise ou réfléchie va de nouveau arriver sur la plaque de verre, et être encore séparée en une partie perdue définitivement (5) et une qui va revenir être réfléchie par la plaque de verre et revenir vers la surface absorbante (6) et lui permettre de chauffer (c'est le même principe que celui de l'effet de serre).
Enfin puisque la plaque chauffe, et que l'extérieur du châssis est à température normale, une partie de la chaleur va être perdue sous forme de pertes thermiques au travers du châssis (7).
Du rayonnement (1) issu du soleil, seul (1 - 2 - 5 -7) va être récupérable sous forme de chaleur, (2 + 5 + 7) sera perdu.

Pour optimiser l'efficacité du collecteur solaire, il va donc falloir :

  • que la vitre de protection réfléchisse le moins possible le rayonnement solaire (pour minimiser 2), mais qu'au contraire elle réfléchisse le plus possible le rayonnement infrarouge émis par la surface absorbante (pour minimiser 5)
  • que la surface absorbante réfléchisse le moins possible les rayonnements et en émette également le moins possible  (pour minimiser 4)
  • que tous les matériaux constituant le châssis soient les meilleurs isolants thermiques possibles (pour minimiser 7).

Evidemment, il va également falloir que les systèmes soient légers (ils sont situés sur le toit pour maximiser l'éclairement), durables (plus la durée de vie est longue, plus le système est rentable économiquement et énergétiquement) et avec un coût modéré.

Avec les systèmes actuels, les collecteurs solaires thermiques peuvent permettre d'économiser de l'ordre de 80% de l'énergie nécessaire pour produire l'eau chaude domestique, si l'on habite dans une région française ensoleillée.

Le graphique ci-dessous montre la croissance depuis 1990 de la surface de collecteurs solaires thermiques installée chaque année en Europe (ainsi que la puissance thermique correspondante (données issues du syndicat européen du solaire thermique). En 2006 (la suite en pointillés est une prévision), il y a donc eu 3,5 km² de systèmes qui ont été installés, pour une puissance thermique de 2,5 gigawatts !



Les deux pays leader en Europe pour la puissance installée totale sont l'Autriche et l'Allemagne, qui sont pourtant loin d'être les deux pays ayant le plus fort potentiel dans le domaine !
En effet jusqu'à présent, le développement du solaire thermique individuel dépend principalement de politiques incitatives, de type crédits d'impôts. Les surfaces installées augmentent maintenant rapidement également en France (du fait d'un crédit d'impôt sur le matériel) et en Espagne (tous les bâtiments publics nouveaux ont obligation d'utiliser des collecteurs solaires thermiques).

Même s'il ne s'agit pas des systèmes auxquels on pense le plus spontanément lorsque l'on parle d'énergies renouvelables, il ne faut pas oublier que chaque kilowattheure de chaleur produite par un système solaire thermique n'a pas à l'être par un système électrique ou en faisant brûler du gaz naturel.


Les centrales solaires


Comme nous l'avons vu dans le premier article sur la place du solaire thermique dans le monde, une petite partie des installations solaires thermiques sont utilisées non seulement pour produire de la chaleur, mais également de l'électricité en convertissant une partie de cette chaleur (c'est le cas par exemple à la centrale Solar Two, dans le désert Mojave, photo à droite).
Globalement, la part du solaire thermique dans la production mondiale d'électricité est faible, mais il s'agit d'un domaine en plein essor avec de nombreux projets en cours de développement dans de nombreux pays (voir à titre d'illustration les paragraphes "en construction" et "annoncées").

Historiquement, la première "vraie" centrale solaire a été construite aux USA, dans le désert Mojave (Nevada), photo ci-dessus. Baptisée Solar One, il s'agissait d'un prototype du Département Américain de l'Energie destiné à prouver la viabilité du solaire thermique en production d'électricité. Nous allons nous servir de cette centrale comme "étude de cas" pour comprendre le fonctionnement des centrales solaires. Le principe de fonctionnement de la centrale est schématisé ci-dessous.

Les rayons du soleil se réfléchissent sur des miroirs (pour Solar One, 1818 miroirs de 40 m² chacun). Ces miroirs, ou héliostats, sont mobiles ce qui leur permet de suivre la course du soleil en permanence (photo de gauche). Ces miroirs permettent de concentrer tous les rayons lumineux sur une tour (photo de droite) recouverte d'un matériau absorbant.

Sous l'effet du rayonnement, le matériau absorbant va chauffer fortement, et la chaleur va être transmise à un fluide caloporteur à haute température de fonctionnement.




Ajouté en 1995 (la centrale s'appelle alors Solar Two), les deux réservoirs contiennent un mélange de nitrate de sodium et de nitrate de potassium, et vont permettre de stocker la chaleur sur quelques heures de manière à "lisser" la production (figure de droite) de manière à adapter production et consommation.

Pour produire l'électricité, la chaleur est utilisée pour chauffer de la vapeur d'eau qui circule dans des turbines, comme dans une centrale thermique "classique".

En fonctionnement, Solar Two permettait de produire 10 MW électriques.





D'autres géométries que les systèmes à tour et héliostats existent également, notamment des systèmes utilisant des miroirs cylindriques qui focalisent le rayonnement solaire sur un circuit dans lequel circule le fluide caloporteur (photo ci-dessous à droite, détail de la centrale de Kramers Juncion, Californie, photo de gauche), mais leur principe global de fonctionnement est sensiblement le même.





















Le rendement global de ces centrales solaires thermiques (puissance électrique fournie au réseau rapportée à la puissance reçue du soleil) est d'environ 15%. La surface utilisée au sol peut sembler très importante (voir photos), mais rapportée à la puissance électrique produite, elle est du même ordre de grandeur que celle d'une centrale thermique classique ou d'une centrale nucléaire. Evidemment, ces centrales sont destinées à être raccordées au réseau électrique au même titre que des centrales classiques.



Il existe également des collecteurs solaires avec des miroirs paraboliques (photo de gauche au dessus). Là encore il s'agit d'un miroir mobile qui va pouvoir suivre la course du soleil au cours de la journée. Mais contrairement aux centrales précédentes, il ne s'agit pas ici d'un nombre important de miroir qui vont envoyer les rayons du soleil en un même point : chaque miroir focalise le rayonnement sur un absorbeur différent. Celui-ci va chauffer, mais là pas question d'utiliser la chaleur pour autre chose que pour faire de l'électricité, contrairement là-encore aux autres centrales qui peuvent permettre de produire de l'eau chaude pour des utilisations collectives.

L'électricité est ici produite par l'intermédiaire d'un moteur de Stirling (dessin de droite). Dans un moteur de ce type, deux pistons sont reliés à un même jeu d'engrenages. Sous l'effet du rayonnement qui chauffe l'absorbeur, un gaz chauffe, et en se dilatant il entraîne un piston moteur qui fait tourner les engrenages (et produit de l'électricité, comme dans une turbine). En tournant, les engrenages entraînent un piston de déplacement, qui force le gaz à se déplacer vers la partie froide du système. Le gaz diminue de volume, ce qui entraîne un déplacement inverse du piston moteur, qui fait à nouveau tourner les engrenages. Le piston de déplacement se déplace de nouveau, forçant le gaz à se mouvoir vers la partie chaude où il peut à nouveau se dilater, et un nouveau cycle recommence.

Le rendement global d'un miroir parabolique couplé à un moteur de Stirling est de l'ordre de 18% (un peu supérieur à celui des centrales), mais pour un prix plus élevé. Leur principal avantage est qu'ils permettent de produire des puissances électriques plus faibles (de l'ordre de 10 à 25 kW contre des dizaines ou centaines de MW pour des centrales) ce qui les rend très intéressants pour des applications sans connexion au réseau, par exemple pour l'alimentation de hameaux isolés.

A l'heure actuelle, le coût du kilowattheure électrique produit par des centrales solaires est de l'ordre de 0,15 à 0,18 € (en prenant comme région type le sud de l'Espagne, pour l'ensoleillement). C'est un coût plus élevé que l'éolien, mais inférieur à celui du solaire photovoltaïque. Des expertises indépendantes ont été publiées qui montrent qu'avec une production de masse, le ce coût devrait être réduit à 0,05-0,07 €/kWh à l'horizon 2015-2020, soit un coût de revient relativement comparable à ceux des systèmes de production "classiques".

Des projets pour une puissance cumulée de plusieurs GW sont actuellement à l'étude ou en phases de début de construction, principalement en Espagne et aux USA.


Limitations de cette technologie.

Cette limitation ne concerne pas le coût. D'après plusieurs études indépendantes, le solaire thermique devrait être compétitif d'ici au plus une dizaine d'années et pourra se passer de subventions. Le problème n'est pas non plus les performances : l'énergie reçue annuellement sur terre par le rayonnement solaire équivaut à peu près à 7 000 fois notre consommation totale d'énergie. Avec des rendements de 20%, nous sommes donc tranquilles.

Le problème du solaire thermique, et de toute technologie basée sur l'énergie solaire, c'est l'intermittence. Je ne parle pas ici de l'intermittence jour / nuit, qui est un problème pour le photovoltaïque. Nous avons vu que dans le cas d'une centrale solaire nous savons parfaitement lisser la production pour "effacer" ce problème, et pour un système individuel, produire de l'eau chaude le jour pour l'utiliser la nuit ne pose aucun problème.

Il s'agit plutôt ici d'un problème d'intermittence saisonnière, illustré par la figure ci-dessous. Elle montre l'énergie électrique consommée en France en moyenne chaque semaine, suivant la période de l'année (la semaine 1 est celle du premier janvier, et ainsi de suite).




On s'aperçoit facilement (et on pouvait s'y attendre) que la consommation d'électricité est maximale en hivers, et que l'écart entre l'hivers et l'été est d'un facteur environ 1,5 (on consomme en moyenne 1,5 fois plus d'électricité en hivers qu'en été). A l'inverse, la production des centrales solaires ou des chauffe-eau solaires est évidemment maximale en été... Mais autant on sait lisser la production pour "effacer" l'alternance jour / nuit, autant à l'heure actuelle nous sommes incapables de compenser cette différence entre les saisons (l'électricité ne se stocke pas ou du moins difficilement, la chaleur si mais pas sur des périodes aussi longues).

Nous nous retrouvons donc dans une situation où la production est maximale en été, et la consommation maximale en hivers, sans aucun moyen de stockage pour compenser ce décalage...

Du coup supposons que la totalité de notre consommation estivale soit assurée par le solaire thermique (très optimiste mais pas complètement irréaliste). Il va nous falloir trouver un complément pour les mois plus froids. Un complément qui soit facilement pilotable et peu cher (on ne souhaite pas s'en servir en été, et on souhaite qu'il puisse être mis en route ou arrêter très rapidement pour accomoder les écarts de la production du solaire thermique). A l'heure actuelle, la "meilleure" technologie que nous possédions pour répondre à ces deux exigences est... les centrales thermiques au charbon... dont tout le monde conviendra que ce n'est pas le meilleur moyen de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.

Malheureusement, pas de solution miracle à proposer à l'heure actuelle. Il semble donc que le solaire thermique peut jouer un rôle important dans la lutte contre le réchauffement climatique, s'il nous évite d'utiliser des centrales à gaz ou au charbon de manière continu toute l'année (ce qui est le cas dans tous les pays "non-nucléaires"). Si cette condition n'est pas remplie, son rôle devient plus ambigu. Et le restera, du moins tant que nous n'aurons pas mis au point des techniques nous permettant de stocker soit la chaleur soit l'électricité d'une saison à l'autre.


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