Au "palmarès" des pays les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, l'Afrique du Sud se classe dans le top 20, avec des émissions qui se situent entre celles de l'Espagne et de l'Italie avec 430 millions de tonne d'équivalent-CO2 en 2005, en hausse de 15% sur la période 2000-2005. Par habitant, cela représente 9,38 tonnes d'eq-CO2, légèrement au-dessus de ce qu'émet un français. Mais pour un PIB un peu plus de trois fois plus faible que celui de la France, ce qui classe en réalité l'Afrique du Sud parmi les leaders du classement des pires émetteurs de gaz à effet de serre par unité de richesse (l'intensité énergétique de l'Afrique du Sud est extrêmement mauvaise, pire encore que celle de la Russie.
Cette situation devrait encore empirer dans un proche avenir avec la mise en service de la centrale de Medupi, située dans la province du Limpopo (au nord-est du pays, voir carte). En effet le pays, du fait de son développement économique rapide, est proche de se retrouver dans une situation de pénurie d'électricité. Et comme il est l'un des plus gros producteurs mondiaux de charbon, avec les 6e réserves mondiales, et qu'à l'heure actuelle sa production de charbon (270 millions de tonnes par an) dépasse notablement sa consommation (193 millions de tonnes par an), le pays a décidé de suivre l'exemple de la Chine et de se tourner vers la production d'électricité à partir de centrales thermiques au charbon. Mais pas n'importe quelle centrale au charbon, juste la plus puissante au monde. Lorsqu'elle sera mise en service, la centrale de Medupi devrait avoir une puissance de 4 800 MW, soit l'équivalent de 4 "gros" réacteurs nucléaires (!) et produire le quart des besoins actuels du pays en électricité. (ci dessous l'état actuel du chantier, débuté en 2007, avec une mise en service des 6 tranches prévues pour s'étaler de 2012 à 2015).
d'autres photos du chantier peuvent être vues ici.
Lorsqu'elle aura atteint son rythme de croisière, avec une durée d'exploitation prévue de 50 ans, elle utilisera annuellement de l'ordre de 17 millions de tonnes de charbon (environ 0,4% de la production mondiale à elle seule) et émettra environ 30 millions de tonnes de CO2 par an. A elle seule elle fera augmenter de 0,6 tonnes par an les émissions individuelles des africains du sud. (pour des chiffres détaillés, voir ce document de la banque africaine de développement. Ce qui rend complètement irréaliste les objectifs de réduction des émissions de CO2 annoncées à Copenhague par l'Afrique du Sud.
Au delà du signal, disons plutôt ... négatif, dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, la particularité de ce projet, qui n'a dans l'absolu rien de bien différent hormis la taille de ce qui se fait en Chine, est son mode de financement. Le coût total de ce projet est estimé à 11 milliards d'euros (on peut au passage s'interroger sur tout ce qu'il aurait été possible de faire avec un tel montant qui puisse être plus "vert") et sur ces 11 milliards, 4 environs vont être apportés par la Banque Mondiale et par la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale ayant même classé le projet parmi les mécanismes de développement propre (!). Cette dernière a également effectué un prêt de plus de 3 milliards d'euros à Eksom, le maître d'oeuvre du projet. Avec une communication axée sur le fait que le prêt servira également au développement des énergies renouvelables (à hauteur de 7%, on se rassure comme on peut).
On peut noter au passage que la France tirera son épingle du jeu dans l'histoire puisque Alstom a obtenu un marché de 100 millions d'euros pour de l'instrumentation et des systèmes de régulation, et que le Crédit Agricole figure parmi le pool de banques privées ayant accordé des prêts à Eksom.
Le seul point positif est que le soutien de la Banque Mondiale à ce projet a soulevé des oppositions parmi ses principaux contributeurs, qui souhaite que ce soit le dernier projet de ce type qu'elle finance. Ce qui ne les a pas empêché de le soutenir.
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